Olivier Père

Vidéodrome de David Cronenberg

Vidéodrome (1983)

Vidéodrome (1983)

Mal reçu à sa sortie comme une série B malade et malsaine (ce fut un échec cinglant, banni dans de nombreux pays pour ses excès « gore »), Vidéodrome (1983) est le grand film prophétique des années 80, un manifeste sur les nouvelles images, nocives et cannibales. Il sort actuellement en France en blu-ray, chez Universal.

Max (génial James Woods), le directeur cynique d’une petite chaîne de télévision câblée spécialisée dans le sexe et la violence, en quête perpétuelle de sensations fortes à offrir à ses abonnés, découvre le programme pirate « Vidéodrome », qui montre des images de jeunes femmes ligotées et fouettées. Apparemment, ces scènes de tortures sont non simulées et provoquent chez Max de dangereuses hallucinations (qui n’en sont peut-être pas) et son enveloppe charnelle subit d’atroces métamorphoses. Son estomac se transforme en magnétoscope, sa main en arme à feu, et il devient peu à peu l’instrument d’une machination qui le dépasse.

Vidéodrome délaisse très vite l’idée des « snuff movies » qui fait surtout fantasmer les imbéciles pour proposer une réflexion philosophique sur l’altération de la réalité, déclinant avec une incroyable intelligence visionnaire les transformations chimiques du corps et autres complots politico-médiatiques chers à Cronenberg. Bien avant la vulgarisation de la cyberculture, du tout-à-l’image et du virtuel, Cronenberg prophétise un monde menacé par le totalitarisme des images dépouillées du moindre référent réel, utilisées comme des drogues aliénantes. Les forces de résistance prônent l’avènement d’un messianisme new age et d’un homme nouveau, fruit d’une mutation organique, chimique et électronique (« Mort à Vidéodrome, longue vie à la nouvelle chair »). Vidéodrome aborde la dictature des images dans les années 80 sur un mode sexuel et violent, eXistenZ déclinera dix ans plus tard les mêmes thèmes sur un mode ludique en prenant comme prétexte l’univers des jeux virtuels.

Cronenberg n’est pas passé d’un cinéma organique à un cinéma intellectuel, contrairement aux idées reçues. Son dernier film en date, le génial A Dangerous Method, ne parle que des rapports conflictuels et douloureux entre le corps et l’esprit, via l’invention de la psychanalyse et le traitement des troubles psychosomatiques et hystériques. C’était déjà le sujet de Chromosome 3 (The Brood), l’un des premiers et remarquables films d’horreur du cinéaste canadien.

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