Olivier Père

Sport de filles de Patricia Mazuy (english version below)

Sport de filles sort aujourd’hui dans les salles françaises. Patricia Mazuy est une cinéaste rare, précieuse, énergique. Ses films se font attendre mais ils ne déçoivent jamais. Son Travolta et moi, réalisé dans le cadre de l’excellente collection télévisée « Tous les garçons et les filles de leur âge… » et présenté au Festival del film Locarno en 1993, était une sorte de chef-d’œuvre convulsif sur l’état d’adolescence et de révolte, un des meilleurs films français des années 90. Après l’ambitieux film en costumes Saint-Cyr avec Isabelle Huppert en 2000, Patricia Mazuy revient avec le formidable Sport de filles qui réunit ce que Mazuy aime et connaît le mieux : le cinéma et les chevaux. Gracieuse (Marina Hands) est une jeune femme rebelle, fille de paysan, cavalière sans cheval. Elle entraîne les chevaux des autres mais n’a pas d’argent pour en posséder un. Elle trouve un travail dans le prestigieux domaine de la riche Joséphine de Silène (Josiane Balasko). Là elle rencontre Franz Mann (Bruno Ganz), légendaire entraîneur allemand employé par son ancienne maîtresse Joséphine. Entre le vieil homme et la jeune femme, qui se sentent tous les deux à la fois insoumis et exploités, une étrange relation va débuter, autour de la passion équestre. Sport de filles parle de l’amour des chevaux et de l’art du dressage. Le film possède une dimension documentaire qui nous fait entrer dans un monde peu connu du grand public, fait de codes et de gestes très précis, où règnent dévotion, travail et discipline. Mais Sport de filles est aussi une allégorie sur la lutte des classes et le capitalisme (l’argent domine tout, et les chevaux deviennent une valeur de transaction) et sur les rapports hommes femmes, eux aussi réglés selon des rites de soumission, de pouvoir et d’observation.
Sport de filles
fut présenté en première mondiale sur la Piazza Grande, lors du dernier Festival del film Locarno. Avant la projection, nous avions remis à Bruno Ganz, acteur d’exception, un Pardo pour l’ensemble de sa carrière.
Sans conteste le meilleur acteur suisse, admiré dans le monde entier, Bruno Ganz est pour plusieurs générations de spectateurs l’interprète inoubliable de titres essentiels du cinéma contemporain comme La Marquise d’O… d’Eric Rohmer, L’Ami américain et Les Ailes du désir de Wim Wenders, Nosferatu fantôme de la nuit de Werner Herzog, Le Faussaire de Volker Schlöndorff, Dans la ville blanche d’Alain Tanner, L’Eternité et Un Jour de Theo Angelopoulos… Une présence physique et une voix incomparables, un mélange de douceur et de violence caractérisent cet acteur exigeant, précieux et précis.
Bruno Ganz a préféré fréquenter les grands textes et les grands auteurs classiques et modernes (Kleist, Handke, Goethe, Thomas Bernhard…) au théâtre, au cinéma ou à la télévision plutôt que de galvauder son talent.
Il a récemment délivré une des performances les plus impressionnantes de l’histoire du cinéma, en étant Adolf Hitler dans La Chute d’Oliver Hirschbiegel. Nous le retrouvons avec plaisir dans un film d’auteur français, car cela faisait longtemps qu’il n’avait pas joué dans la langue de Molière, désormais plus habitué aux productions suisses, allemandes, italiennes ou américaines. Dans le rôle d’une ancienne gloire de l’équitation, passée maître dans le dressage des chevaux et la séduction des femmes, Bruno Ganz est parfait et surprenant, à la fois sensuel et bourru. Comme d’habitude.

Bruno Ganz dans Sport de filles (2011)

Bruno Ganz dans Sport de filles (2011)


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