Olivier Père

Voyage à deux de Stanley Donen

Célèbre pour avoir révolutionné la comédie musicale en compagnie de Gene Kelly, Stanley Donen est l’auteur de divertissements sophistiqués, de l’étude de mœurs au vaudeville en passant par la fable morale, parmi lesquels Voyage à deux (Two for the Road) réalisé en 1967 avec les merveilleux Audrey Hepburn et Albert Finney lors de sa période britannique et qui compte parmi ses meilleurs films.

Audrey Hepburn et Albert Finney dans Voyage à deux (1967)

Audrey Hepburn et Albert Finney dans Voyage à deux (1967)

À travers plusieurs trajets en voiture dans le Sud de la France entrepris à des époques différentes, Voyage à deux retrace les différentes étapes de la vie d’un couple : la rencontre et l’euphorie des premiers jours, la complicité des jeunes mariés, l’ennui, l’adultère et la question du divorce. Sous les apparats de la comédie pop, l’élégance d’Audrey Hepburn, le charme d’Albert Finney, la musique de Henry Mancini et les couleurs clinquantes des années 60, Voyage à deux est sans doute le film le plus désenchanté de Donen, une méditation sur l’usure du temps et la fuite des illusions. L’amertume du propos est à peine atténuée par l’apparition d’épisodes fantaisistes (les coups de soleil!) au détour de vacances cruelles et tristes. L’institution du mariage ne ressort pas indemne de l’exercice, mais c’est surtout l’égoïsme de l’homme, architecte ambitieux qui néglige son épouse et sa petite fille au profit de sa carrière qui est épinglé par Donen et son scénariste Frederic Raphael (futur collaborateur de Kubrick sur Eyes Wide Shut, le cinéaste américain ayant souhaité travaillé avec lui car il appréciait son travail sur le couple dans Voyage à deux.) La psychologie des personnages et la vérité qui se dégage des scènes de la vie conjugale s’accompagnent d’une grande audace formelle empruntée à la modernité européenne.

Voyage à deux de Stanley Donen (1967)

Voyage à deux de Stanley Donen (1967)


La subtilité de la construction atteint ici une maîtrise exceptionnelle et ne paraît jamais forcée : les voyages se télescopent et le montage tisse de subtiles correspondances entre les différents âges de la vie, sur un mode à la fois ludique et mélancolique.

Audrey Hepburn et Albert Finney Voyage à deux (1967)

Audrey Hepburn et Albert Finney dans Voyage à deux (1967)


Ce sont ces procédés narratifs presque expérimentaux qui expliquent sans doute l’insuccès de Voyage à deux à sa sortie mais qui lui confèrent aujourd’hui le statut de chef-d’œuvre secret, à montrer à celle qu’on aime. Le film ressort aujourd’hui à Paris en copies neuves, distribué par Action Cinémas/Théâtre du Temple.

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