Olivier Père

Les Parachutistes arrivent de John Frankenheimer

Nous parlions récemment de Deborah Kerr, héroïne de Thé et Sympathie de Vincente Minnelli. Un cycle dédié à l’actrice en septembre sur TCM a permis de revoir son dernier grand film et grand rôle en 1969 (la même année que L’Arrangement d’Elia Kazan), au crépuscule d’une carrière bien remplie et riche en chefs-d’œuvre. Les Parachutistes arrivent n’a jamais prétendu au statut de chef-d’œuvre, et il n’est même pas considéré comme un film très réussi aux Etats-Unis, où il n’a pas connu de réelle réévaluation. Trop subtil, pas assez spectaculaire, fragile… C’est pourtant, à notre avis, un des plus beaux films – et plus représentatifs – de cette période transitoire du cinéma américain.
Trois amis forment une petite troupe de parachutistes nommée « les mites gitanes » (The Gipsy Moths, titre original du film). Ils sillonnent les États-Unis et organisent des numéros de haute voltige particulièrement dangereux. Le clou du spectacle consiste en effet à ouvrir son parachute au dernier moment, au risque de l’écrasement. Leurs motivations sont différentes. Pour le manager (Gene Hackman), c’est une activité purement professionnelle, tandis que pour Mike (Burt Lancaster), le chef, c’est presque une quête existentielle, un duel avec la mort et la tentation du vide. Le plus jeune (Scott Wilson) admire Mike comme un père spirituel. Le film conte l’escale des trois hommes dans une petite ville du Kansas où ils sont hébergés par une famille bourgeoise. Une liaison naîtra entre l’épouse, une femme mûre qui se meurt d’ennui, et Mike l’idéaliste. Mike est un homme libre de toute contrainte, mais sa liberté est particulièrement stérile et absurde, symbolisée par une longue chute immuablement répétée. Les derniers pionniers se transforment en conquérants de l’inutile. Leur héroïsme et leur courage doivent se contenter de démonstrations dérisoires. À la conquête horizontale du territoire américain succède une conquête verticale de ses propres démons. Cette chronique provinciale constitue un des sommets méconnus du cinéma américain des années 60 et de la carrière de John Frankenheimer, excellent cinéaste issu de la télévision. Sa mise en scène est représentative d’une forme de modernité discrète (voir la scène d’amour entre Burt Lancaster et Deborah Kerr, qui ose une nudité fugace et émouvante), témoin de l’évolution esthétique et morale du cinéma hollywoodien. Les deux acteurs avaient déjà joué ensemble une fameuse scène d’amour sur une plage dans le très célèbre (et plus conventionnel) Tant qu’il y aura des hommes de Fred Zinnemann en 1953. Burt Lancaster, acteur viril au physique d’athlète capable d’exprimer une très grande vulnérabilité et une véritable fêlure, est magnifique dans Les Parachutistes arrivent, un an après The Swimmer de Frank Perry, autre titre génial et méconnu d’un acteur qui allait connaître une fin de carrière passionnante dans les années 70 avec des films qui remettent en question les mythes et les valeurs hollywoodiennes comme L’Homme de la loi et Scorpio de Michael Winner, Fureur apache et L’Ultimatum des trois mercenaires de Robert Aldrich, Le Merdier de Ted Post, ou en Italie Violence et Passion de Luchino Visconti et 1900 de Bernardo Bertolucci.

Affiche des Parachutistes arrivent (1969)

Affiche de Les Parachutistes arrivent (1969)

Catégories : Actualités

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