Olivier Père

Rubber de Quentin Dupieux

Découvert à la Semaine de la Critique à Cannes l’année dernière, puis présenté en première internationale sur la Piazza Grande du Festival del film Locarno où il fit forte impression, Rubber de Quentin Dupieux sort en France en DVD et Blu-ray aux éditions Blaq out. Blaq out propose aussi une installation autour du film du 18 mars au 30 avril dans sa boutique 52, rue Charlot 75003 Paris.
Star de la scène électro pop sous le pseudonyme de Mr Oizo, Quentin Dupieux enregistre en 1997 son premier succès, « Flat Beat », interprété dans le vidéoclip par une marionnette jaune, Flat Eric, qui deviendra la vedette des publicités pour les jeans Levi’s. On sait moins que Quentin Dupieux est aussi cinéaste, et ses trois films comptent parmi ce qui est arrivé de mieux (et de plus excentrique) au cinéma français de ces dernières années.
En 2001 il réalise Nonfilm (également disponible sur le DVD collector de Rubber), qui existe sous plusieurs versions, et en 2007 Steak, splendide accident industriel qui voit le musicien cinéaste aux manettes d’une comédie grand public avec le duo de rigolos Eric et Ramzy, très populaire en France auprès des enfants et des adolescents. Entre science-fiction et burlesque, Steak invente un comique inquiétant, où le rire naît du décalage entre notre monde et l’univers mi-futuriste mi-rétro du film.
Rubber, son nouvel opus, confirme le talent hors norme de Dupieux qui imagine un pneu tueur en série et télépathe, semant sa route de cadavres (il fait exploser les têtes de ses victimes à distance) entre le désert californien et les motels de la région, obsédé par une très belle jeune femme voyageant seule et qu’il a pris en chasse (Roxane Mesquida, qualifiée par Philippe Azoury de “plus belle fille du monde”, sans grande exagération.) Nous sommes entre le documentaire animalier produit par Walt Disney, la fable surréaliste et le film d’horreur. Le cinéma de Dupieux évoque Tati, Buñuel, Lynch, avec une part de jubilation qui n’appartient qu’à lui et en font un artiste précieux et libre. On peut voir Rubber comme le manifeste du « no reason », philosophie de l’existence exprimée par le shérif au début du film, un voyage au bout de l’absurde. C’est aussi un bel exemple de fantastique hyperréaliste et fétichiste, où l’irrationnel surgit des objets de consommations les plus quotidiens et banals. C’est enfin une nouvelle façon de faire des films : Rubber a été réalisé avec la Canon 5D Mark II, en quatorze jours et une équipe ultra réduite, les images superbes sont l’œuvre de Dupieux lui-même, les effets spéciaux sont mécaniques et artisanaux… du pur « cinéma guérilla ».
Quentin Dupieux prétend vouloir « continuer à faire des films libres et plus ou moins drôles avec des scénarios amateurs et naïfs, et décrire des mondes parallèles au nôtre, mais aussi débiles que le nôtre ». À contre-courant du cinéma d’auteur français, mais aussi international, Dupieux est parvenu à subvertir le cinéma comique et fantastique, avec une folie inquiétante dont on attend les prochaines manifestations avec impatience (il prépare deux nouveaux films, l’un américain l’autre français, toujours avec la complicité du producteur Grégory Bernard.)

"Screenshot" du film "Rubber" de Quentin Dupieux.Rubber de Quentin Dupieux
© Festival del film Locarno

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