Olivier Père

Annie Hall de Woody Allen

ARTE diffuse lundi 30 novembre à 20h50 Annie Hall (1977), le chef-d’œuvre de Woody Allen. Le mot n’est pas trop fort. Ce premier opus majeur marque un tournant dans la carrière du cinéaste, jusqu’alors principalement considéré comme un humoriste exerçant son talent sur scène, à la télévision et au cinéma, avec un goût prononcé pour le burlesque, l’absurde, l’autodérision et les mots d’esprit. Annie Hall est une comédie hilarante, mais aussi un film émouvant et parfois grave sur l’histoire d’un couple, de la première rencontre jusqu’à la séparation, inspiré par les propres expériences sentimentales et conjugales de Woody Allen. Le matériau autobiographique est revendiqué et le personnage de Alvy Singer, comédien juif new-yorkais névrosé, obsédé par la mort et les femmes, s’avère être un double de son auteur et interprète. Certes le film brille par ses dialogues étincelants mais Annie Hall révèle aussi des qualités d’écriture cinématographique inédites de la part de Woody Allen. Le cinéaste, avec la complicité de Gordon Willis, l’un des plus grands directeurs de la photographie de sa génération, guère familier de la comédie, compose un film patchwork qui intègre les procédés de ses longs métrages précédents  – apartés à la caméra, sous-titrages, trucages optiques et même une séquence d’animation – avec souvent des intentions plus dramatiques. La richesse et l’inventivité visuelles du film nourrissent un propos dense et complexe qui étudie les différentes étapes d’une liaison amoureuse en trahissant parfois la chronologie. L’influence bergmanienne pointe déjà le bout de son nez. Annie Hall apparaît comme l’accomplissement précoce de l’art de Woody Allen, qui effectue ici la synthèse de ses premières comédies et annonce la quasi intégralité de ses longs métrages de la décennie suivante : la veine nostalgique où Woody Allen se souvient de son enfance (Radio Days), la déclaration d’amour à New York (Manhattan), la satire du monde du spectacle et du cinéma (Stardust Memories) et surtout le film écrin, hommage à la beauté et au talent d’une actrice aimée ou d’une égérie admirée. Dans le rôle-titre Diane Keaton est géniale, et crée un véritable archétype de la citadine intellectuelle, sexy, fragile et excentrique. Annie Hall est sans doute le plus beau portrait de femme du cinéma américain des années 70, le manifeste d’un romantisme moderne entre bouffonnerie et dépression.

Diane Keaton et Woody Allen dans Annie Hall

Diane Keaton et Woody Allen dans Annie Hall

 

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