Olivier Père

Un shérif à New York de Don Siegel

ARTE diffuse dimanche 31 mai à 20h45 Un shérif à New York (Coogan’s Bluff, 1968) de Don Siegel, pour fêter les 85 ans de Clint Eastwood, né le 31 mai 1930.

« Coogan (Clint Eastwood) est un shérif aux méthodes plutôt expéditives. Histoire de sanctionner sa brutalité, ses supérieurs le chargent de récupérer le prisonnier James Ringerman (Don Stroud) à New York pour le ramener en Arizona. Le captif s’échappe lors de l’extradition et le shérif est dessaisi de l’affaire. Mais Coogan n’est pas homme à rentrer les mains vides. S’engage alors une traque brutale dans la grande cité. »

Clint Eastwood dans Un shérif à New York

Clint Eastwood dans Un shérif à New York

 

Un shérif à New York marque la rencontre et la première collaboration entre Clint Eastwood et le réalisateur Don Siegel, appelé à la rescousse par les producteurs sur le projet à la gestation chaotique, après le renvoi de plusieurs réalisateurs et scénaristes.

Clint Eastwood était devenu une vedette internationale grâce aux westerns italiens de Sergio Leone et Un shérif à New York est l’un des premiers films qu’il tourne en tête d’affiche à son retour des Etats-Unis.

On est frappé par l’autodérision précoce dont fait preuve Eastwood en parodiant son personnage de cow-boy monolithique dans ce western moderne où un shérif habitué aux contrées désertiques se retrouve plongé dans la jungle urbaine de New York. Avec son Stetson son costume en tergal et ses bottes Coogan ne passe pas inaperçu dans la ville marquée par le mouvement hippie et la contre-culture. Un gag à répétition le montre corriger ses interlocuteurs citadins qui en observant sa dégaine et sa façon de parler pensent tous qu’il débarque du Texas : « Non, de l’Arizona. » Eastwood et Siegel en rajoutent plusieurs couches ironiques dans la description du machisme et du conservatisme de Coogan présenté comme un héros viril, taciturne et invincible, caricaturalement rétrograde en totale contradiction avec les idées progressistes et féministes ou le cynisme débraillé des personnages qu’il rencontre. Dans le prologue on le voit désarmer et capturer sans grande difficulté un hors-la-loi Indien sans doute échappé de sa réserve, montrant ainsi la suprématie de l’homme blanc sur le propre terrain des Américains natifs. Dès son arrivée à New York il drague sans vergogne toutes les jolies jeunes femmes qui croisent son chemin, trop heureux d’élargir son terrain de chasse. La délocalisation de Coogan à New York va le placer dans une posture d’abord moins confortable, mais qu’il saura rapidement retourner à son avantage. Mâle séducteur et force tranquille, Coogan affronte un beatnik psychopathe et drogué symbole de la violence et de la folie qui frappent les Etats-Unis et ses grandes villes, mais aussi de l’engagement américain dans la guerre du Viêt Nam. Une scène de boite de nuit psychédélique accentue le contraste entre le cow-boy et la foule bigarrée de la scène underground new yorkaise.

Le film sera un grand succès commercial et enclenchera une collaboration particulièrement fertile entre Eastwood et Siegel, que l’acteur considérera comme son second mentor après Leone. Un shérif à New York ébauche le prochain triomphe des deux hommes, L’Inspecteur Harry dans lequel s’épanouira une réflexion sur la violence ici embryonnaire, délestée de l’humour de ce premier essai, avec une mise en scène beaucoup plus spectaculaire et un personnage central plus ambigu.

 

 

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