Olivier Père

Le jour se lève de Marcel Carné

ARTE diffuse lundi 27 avril à 20h50 Le jour se lève (1939) de Marcel Carné.

Piégé par la police dans son appartement, François (Jean Gabin) un ouvrier qui vient de tuer un homme a toute la nuit pour ses remémorer les événements qui l’ont conduit à cette situation désespérée.

Le jour se lève est sans doute le chef-d’œuvre de Marcel Carné, et l’un des sommets du réalisme poétique – Carné préférait parler de « fantastique social ». Il est vrai que Le jour se lève baigne dans une atmosphère nocturne et onirique, amplifiée par les magnifiques décors signés Alexandre Trauner – celui de l’usine, avec ses fumées toxiques et ses ouvriers masqués en combinaisons intégrales annonce les premiers films de David Lynch, tandis que la chambre où s’est retranché François et l’immeuble théâtre du drame comptent parmi les plus belles créations du génial décorateur. Cette poétisation du monde ouvrier n’exclut pas une dimension politique. Le fatalisme existentiel du film de Carné exprime surtout la perte des illusions et des espoirs nés avec le Front Populaire, à la veille d’un nouveau conflit mondial. Comme ceux du peuple français les rêves de bonheur du jeune couple, l’idéal de pureté que représente une fleuriste orpheline aux yeux de son amoureux sont cruellement souillés par l’ignoble Valentin, personnage corrupteur et pervers magistralement interprété par Jules Berry.

Le jour se lève marque l’accomplissement du cinéma de Marcel Carné, au pessimisme ontologique, obsédé par les thèmes de la fatalité et du destin, apportant un soin perfectionniste à la mise en scène en studio. Le cinéaste réalisera d’autres films importants pendant l’Occupation et après guerre, mais aucun n’atteint la perfection du Quai des brumes et du jour se lève, écrits et dialogués par Jacques Prévert, qui bénéficient en outre de la présence de Jean Gabin en héros prolétaire et tragique.

Le jour se lève, classique du cinéma français, propose une utilisation très maîtrisée et inhabituelle à l’époque du flash-back, puisque le film est resté célèbre pour ses trois retours en arrière. Le jour se lève aura une influence considérable sur le cinéma américain et en particulier le film noir, qui réutilisera régulièrement le procédé du scénario qui débute par la fin, avec le récit remémoré par l’un de ses protagonistes, vivant ou mort (Boulevard du crépuscule de Billy Wilder.)

 

La version nouvellement restaurée du jour se lève diffusée sur ARTE propose deux scènes qui avaient été censurées lors de la Seconde Guerre mondiale, après la première sortie du film en 1939. Studiocanal a réussi à retrouver ces deux scènes manquantes enfin restituées dans le film. Il s’agit d’un plan d’à peine quelques secondes dans lequel Arletty apparaît nue sous sa douche. L’autre scène montre des policiers violents malmenés par la foule.

 

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