Olivier Père

Jeremiah Johnson de Sydney Pollack

ARTE diffuse dimanche 26 avril à 20h45 Jeremiah Johnson (1972) de Sydney Pollack, avec Robert Redford dans le rôle-titre. Il s’agit du deuxième  – et meilleur – des sept longs métrages de Pollack avec Redford en vedette.

Jeremiah Johnson s’inspire de la vie d’un célèbre « mountain man » (« homme des montagnes ») John Johnson surnommé « le mangeur de foie ». Dans les années 1850 Jeremiah Johnson est un ancien soldat nordiste qui, dégoûté par la guerre de Sécession et la violence des villes décide de rompre avec la civilisation et de partir vivre dans les Montagnes Rocheuses. Mal préparé à la vie sauvage, ses premières années d’ermitage sont difficiles. Il doit affronter le froid, la faim, les bêtes féroces… La coexistence avec les différentes tribus indiennes n’est pas toujours pacifique… Sa rencontre avec un vieux trappeur lui permettra d’apprendre les méthodes de chasse et de survie, et les coutumes des Indiens. Mais la violence des hommes finira par le rattraper.

Robert Redford dans l'un de ses meilleurs rôles : Jeremiah Johnson de Sidney Pollack

Robert Redford dans l’un de ses meilleurs rôles : Jeremiah Johnson de Sydney Pollack

Western panthéiste aux images sublimes de paysages grandioses (le film fut tourné dans l’Utah, et donnera l’idée à Robert Redford d’y installer son festival du cinéma indépendant américain, Sundance, dans une petite station de montagne Park City en plein pays Mormon), Jeremiah Johnson n’est pourtant pas une simple ballade écologiste vantant les joies du retour à la nature. Son véritable sujet rejoint des préoccupations très contemporaines qui sont celles de l’Amérique du début des années 70. Comment échapper à la violence qui règne aux Etats-Unis – taux de criminalité record dans les grandes villes – et hors de ses frontières – la guerre du Vietnam? Les Chiens de paille de Sam Peckinpah réalisé un an plus tôt se posait la même question, et y répondait avec un nihilisme radical : un intellectuel américain et sa jeune épouse fuyaient le climat de violence en Amérique et se retrouvaient confrontés à la sauvagerie d’une tribu familiale dans un petit village irlandais…

L’ancien soldat Jeremiah Johnson va devoir pour survivre et assouvir son désir de vengeance (« death wish ») tuer des Indiens qui lui contestent sa présence sur leur terrain de chasse et la terre de leurs ancêtres. C’est la profanation du sol sacré d’un cimetière par des soldats américains guidés par Jeremiah Johnson qui va déclencher une flambée de violence. Le prix à payer pour Jeremiah Johnson sera le massacre de sa nouvelle famille et la condamnation à la solitude, âme errante atteignant le statut de légende à chaque nouvelle victoire en combat singulier. Pollack et Redford ne glorifient pas les épisodes sanglants d’un scénario coécrit par John Milius, figure phare du Nouvel Hollywood connu pour sa passion et sa connaissance encyclopédique de l’histoire des Etats-Unis mais aussi sa fascination pour la violence et la volonté de puissance de héros individualistes et conquérants. On retrouve la vision pleine de bruit et de fureur du futur réalisateur de Dillinger et Conan le Barbare dans Jeremiah Johnson, mais édulcorée par l’humanisme de Pollack qui oriente le film vers un sentiment de tristesse et de désillusion. C’est d’ailleurs en raison des modifications apportées à ses scénarios Jeremiah Johnson et Juge et Hors-la-loi de John Huston que Milius décidera de passer à la mise en scène, seul maître à bord de quelques films remarquables – plus particulièrement Graffiti Party (Big Wednesday) en 1978.

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