Olivier Père

Mauvais Sang de Leos Carax

Après la diffusion de Holy Motors ARTE consacre une nouvelle soirée à Leos Carax le lundi 8 septembre avec Les Amants du Pont-Neuf à 20h50 et Mauvais Sang à 22h50.

Qui a été adolescent et curieux de cinéma en 1986 se souvient forcément de la déflagration provoquée par Mauvais Sang, réalisé par un jeune homme à peine plus âgé, et qui ne ressemblait à aucun autre film français de l’époque, véritable antidote à l’académisme officiel, à « une certaine tendance » du cinéma réaliste et psychologique, tout autant qu’à l’esthétisme publicitaire de cette première moitié des années 80, qui voulait se faire passer pour une révolution audiovisuelle mais croulait déjà sous le ridicule. Mauvais Sang devint un signe de ralliement pour une nouvelle génération de cinéphiles, et pas seulement en France si on juge la postérité et l’influence quasi immédiate de Carax – son cinéma en général et Mauvais Sang en particulier – sur les quelques cinéastes du monde entier qui allaient éclairer la décennie suivante, de Wong Kar Wai à Hong Kong à Harmony Korine aux Etats-Unis. Dans un Paris imaginaire et caniculaire (le passage de la comète de Halley provoque une chaleur insupportable), au milieu d’un complot visant la possession d’un vaccin capable de vaincre un mystérieux virus (qui tue ceux qui font l’amour sans s’aimer, allusion ambiguë au sida), « boy meets girl » – titre du premier long métrage de Carax. Le garçon sera Alex, interprété par l’acrobatique alter ego Denis Lavant et la fille Anna, soit Juliette Binoche, égérie du cinéaste, amoureusement filmée, retrouvant la grâce des héroïnes du muet, et aussi d’Anna Karina dans Vivre sa vie et Bande à part. Cette histoire d’amour fou entre deux jeunes gens entourés de gangsters fatigués (Michel Piccoli, Hugo Pratt, Serge Reggiani) est aussi le récit d’une filiation et d’une transmission impossibles… Carax imagine un univers poétique qui lui est propre malgré les nombreux hommages aux cinéastes qu’il admire, Chaplin et le cinéma français des années 30. Carax réinvente en effet le tournage en studio comme au temps du réalisme poétique ou du fantastique social, avec le désir de faire surgir des émotions vraies d’un univers factice, contrairement à la Nouvelle Vague à laquelle on l’a trop systématiquement rapproché, en le désignant comme un héritier putatif de Godard.

Mauvais Sang étincelle de passages magnifiques. S’il ne fallait retenir qu’une scène de ce film qui regorge de moments fougueux et inoubliables, ce serait bien sûr la course effrénée de Alex au son de « Modern Love » de David Bowie extraite de son album « Let’s Dance » de 1983. Chanson qu’on chérissait bien avant Mauvais Sang, mais devenue indissociable de cette « moving image » : du mouvement, de l’émotion, de la musique… Du cinéma.

 

 

 

 

 

 

 

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