Olivier Père

Ariane Labed, Lav Diaz, Alex Ross Perry et Pedro Costa primés à la 67ème édition du Festival del film Locarno

Après le sacre de La Fille de nulle part de Jean-Claude Brisseau et de Histoire de ma mort de Albert Serra le jury de la compétition internationale du Festival del film Locarno – présidé cette année par le grand documentariste italien Gianfranco Rosi – a fait preuve pour la troisième fois consécutive d’un goût très sûr, d’audace et d’intelligence en décernant le Léopard d’or à Mula sa kung ano ang noon (From What Is Before) de Lav Diaz et en primant certains des meilleurs films découverts à Locarno.

Mula sa kung ano ang noon de Lav Diaz

Mula sa kung ano ang noon de Lav Diaz

La récompense suprême du festival va à un cinéaste philippin admiré par la communauté cinéphilique mondiale et auteur d’une quinzaine de longs métrages depuis 1998 mais dont aucun n’a été distribué en France. Il faut dire que ses œuvres maîtresses durent généralement entre 300 et 540 minutes, ce qui ne facilite pas leur exploitation commerciale ni leur exposition dans les festivals. Mais les 338 minutes en noir et blanc de Mula sa kung ano ang noon ont fait l’unanimité auprès du jury de Locarno et déclenché un enthousiasme délirant chez les critiques et les spectateurs de la manifestation Suisse. Il nous tarde de découvrir cette fresque torrentielle aux images sublimes sur la vie d’un village des Philippines en 1972, au moment où le Président Marcos s’apprête à proclamer la loi martiale, soit l’une des pages les plus sombres de l’histoire du pays, vécue adolescent par le cinéaste. Le précédent film de Lav Diaz Norte, hangganan ng kasaysayan (Norte, the End of History) malgré sa sélection officielle en 2013 au Festival de Cannes dans la section Un Certain regard, sa réputation de chef-d’œuvre et sa durée de « seulement » 250 minutes n’a pas encore trouvé le chemin des salles. Les deux derniers films de Lav Diaz sont considérés comme ses plus accessibles et ses plus beaux. Espérons qu’une rétrospective ou une sortie groupée permettra bientôt de découvrir enfin le travail d’un cinéaste passionnant.

Lav Diaz © Festival del film Locarno

Lav Diaz © Festival del film Locarno

Jason Schwartzman et Elisabeth Moss dans Listen Up Philip

Jason Schwartzman et Elisabeth Moss dans Listen Up Philip

Le prix spécial du Jury a été attribué à l’excellent Listen Up Philip, troisième long métrage du jeune cinéaste new yorkais Alex Ross Perry dont nous avions déjà tant aimé le précédent film, The Color Wheel. Ce portrait d’un écrivain cynique et misanthrope, qui traverse une crise avant la sortie de son second roman confirme la voix et le regard sans compromis d’Alex Ross Perry, son humour ravageur et sa forte personnalité. Il est rejoint pour la première fois par des acteurs professionnels au sommet de leur talent, Jason Schwartzman, Elisabeth Moss et Jonathan Pryce. On pense beaucoup à Philip Roth l’écrivain américain préféré d’Alex Ross Perry dans cette réflexion sur la solitude de l’artiste, qui sera distribuée en France au début de l’année prochaine. On y reviendra.

Alex Ross Perry © Festival del film Locarno

Alex Ross Perry © Festival del film Locarno

Pedro Costa a remporté le prix du meilleur réalisateur avec Cavalo Dinheiro, nouveau chapitre d’un travail cinématographique entrepris sur et surtout avec la communauté Cap-Verdienne de Fontainhas, dans la banlieue de Lisbonne, centré autour de la figure de Ventura, déjà le héros vaudou du magistral En avant, jeunesse ! La beauté hypnotique de la mise en scène de Costa, visiblement éloignée du style de ses précédents longs métrages comme Dans la chambre de Vanda a mis en transe les spectateurs du festival et nous sommes impatients de voir son film qui sera également présenté au Festival de Toronto en septembre.

Alex Ross Perry © Festival del film Locarno

Cavalo Dinheiro de Pedro Costa

 

Le Prix de la meilleure interprète féminine a quant à lui été décerné à la belle et talentueuse Ariane Labed (photo en tête de texte), héroïne de Fidelio, l’odyssée d’Alice, premier long métrage réussi de la française Lucie Borleteau. Et ce n’est que justice. Une grande actrice est née. Ariane Labed est éblouissante dans le rôle d’Alice, femme marin qui embarque comme second mécanicien sur un vieux cargo, seule fille à bord. Un beau film sensuel sur le sentiment amoureux, le désir et la question de la fidélité, où rayonne dans chaque plan la jeune actrice déjà remarquée dans deux titres du nouveau cinéma grec, Alps de Yorgos Lanthimos et Attenberg de Athina Rachel Tsangari qui lui avait valu la Coupe Volpi de la meilleure actrice à la Mostra de Venise en 2010. Nous reviendrons sur Fidelio, l’odyssée d’Alice, coproduction ARTE France Cinéma (avec Apsara Films et Why Not Productions) au moment de sa sortie dans les salles.

Ariane Labed © Festival del film Locarno

Ariane Labed © Festival del film Locarno

Pour découvrir le palmarès et le programme complets de ce formidable festival cinéphile et généreux qui s’est achevé samedi 16 août : http://www.pardolive.ch/en/Pardo-Live/today-at-the-festival

 

Catégories : Actualités · Coproductions

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *