Le richissime homme d'affaires Marian Kocner, accusé d'avoir commandité le meurtre d'un journaliste d'investigation en février 2018 qui a bouleversé la Slovaquie, a été jugé jeudi non coupable de ce crime par le tribunal de Pezinok (ouest).
"Le crime a été commis mais il n'a pas été prouvé que Marian Kocner et Alena Zsuzsova ont ordonné le meurtre", a déclaré la juge Ruzena Sabova qui présidait la cour.
"Le tribunal acquitte donc les accusés", a-t-elle déclaré, en ajoutant que M. Kocner était toutefois condamné à une amende de 5.000 euros pour détention d'armes non autorisée, 60 balles ayant été trouvé trouvées à son domicile.
M. Kocner purge déjà une peine de prison de 19 ans pour faux en écriture prononcée au début de l'année.
Le multimillionnaire et deux de ses complices présumés risquaient jusqu'à 25 ans de prison pour les meurtres en février 2018 du journaliste Jan Kuciak et de sa fiancée Martina Kusnirova.
Agés tous deux de 27 ans, ils ont été abattus à leur domicile lors d'une exécution de type mafieux après que Kuciak a écrit plusieurs articles sur la corruption haut placée et les relations de Marian Kocner avec des responsables politiques du pays.
Selon le parquet, l'homme d'affaires a ordonné le meurtre de M. Kuciak pour se venger des articles détaillant ses divers crimes dans le domaine de l'immobilier.
Après avoir entendu le verdict, le père du journaliste, Jozef, a déclaré aux journalistes être "resté paralysé".
"Nous ne pouvons qu'espérer que la justice finira par prévaloir", a-t-il ajouté.
Le Premier ministre Igor Matovic, élu à la suite de la vague de protestations sans précédent qui ont suivi le meurtre, a déclaré: "Il était évident que les cerveaux de ce meurtre voulaient échapper aux griffes de la justice", a-t-il déclaré sur Facebook. "Nous espérons que la justice les atteindra tous les deux", a-t-il ajouté.
La présidente slovaque libérale Zuzana Caputova, également élue sur la vague de l'indignation suscitée par les meurtres, s'est dite "choquée" par le verdict, ajoutant qu'elle s'attendait à ce qu'il fasse l'objet d'un appel devant la Cour suprême.
Le verdict est susceptible d'appel, mais il n'était pas clair jeudi si un appel serait lancé.
"Je ne suis pas un meurtrier"
Dans son dernier plaidoyer en juillet, M. Kocner a rejeté les accusations.
"Je ne suis pas un saint, mais je ne suis pas un meurtrier non plus. Je ne suis certainement pas un imbécile qui ne comprendrait pas à quoi aboutirait le meurtre d'un journaliste", a-t-il déclaré à la cour.
En juin, il s'était adressé au père du journaliste: "Je suis désolé de ce qui est arrivé à votre fils, croyez-moi, mais je n'ai rien à voir avec ça".
Sur les cinq suspects inculpés dans cette affaire, deux ont avoué leur culpabilité et ont déjà été condamnés.
Zoltan Andrusko, un intermédiaire dans le meurtre, a été condamné à 15 ans de prison en décembre 2019 après avoir passé un accord avec le parquet.
L'ancien soldat et tueur à gages Miroslav Marcek a pour sa part été condamné en avril à 23 ans de prison pour avoir abattu le couple.
"Les meurtres ont réveillé la Slovaquie"
Selon les procureurs, Andrusko a servi d'intermédiaire dans le meurtre, engageant Marcek et son cousin Szabo à la demande de son ami Zsuzsova, qui suivait à son tour les ordres de Kocner.
Le double meurtre a plongé le pays de 5,4 millions d'habitants dans la crise et a déclenché les plus grandes manifestations de rue depuis la chute du communisme.
Le premier ministre de l'époque, Robert Fico, a été contraint de démissionner en mars 2018 et a été remplacé par son adjoint du parti populiste de gauche Smer-SD, Peter Pellegrini.
La vague de manifestations et de mécontentement social a propulsé à la présidence, l'an dernier, Mme Caputova, puis a ouvert la voie, cette année, à un nouveau gouvernement de centre droit dirigé par M. Matovic, du parti anti-corruption OLaNO.
L'ancien ministre de la Justice Daniel Lipsic, le représentant du couple assassiné lors du procès, a fait écho à ce sentiment, affirmant que la Slovaquie était "apathique" avant le double meurtre.
"Les meurtres ont réveillé la Slovaquie", a déclaré Lipsic à l'AFP.
AFP